About me

moi

J’ai décidé, très jeune, que je voulais décrire des événements qui touchent les personnes. Celles des gens qu’on n’entend pas assez pendant une attaque armée, un coup d’État, une catastrophe. Devenir une passeuse, une conteuse.

Je voulais voir, écouter, entendre, vérifier, restituer, enquêter, chercher les sources scientifiques, travailler les connaissances, transmettre, raconter les détails, voir avec les mots. Choisir l’approche humaine, laisser parler les victimes, interviewer les experts. Donner la parole à celles et ceux qui agissent en re-inventant le monde.

J’ai étudié l’économie, les sciences politiques et les relations internationales et suis partie en reportage en Afghanistan, associant la théorie et le terrain. Aucun journal ne me prenait en charge, je vendais mes articles en rentrant.

Des journaux en français et en espagnol (Médiapart, Géo, ça m’intéresse, Libération, Nouvel Economiste, Rue89-NouvelObs, L’Autre Journal, Tribune de Genève, VSD, Télérama, Análisis, El Mundo, Revista del Domingo, Proceso, RFI, France Culture, Thalassa, Vu du ciel…) ont publié mes reportages – textes surtout mais aussi des photos. 

Les journalistes free-lance le savent : la liberté se paye cher. Le métier ne nourrit pas toujours et il faut accepter de faire aussi d’autres boulots pour survivre.

J’ai travaillé pour beaucoup de journaux, de radios et de chaînes de télévision. J’ai aussi fait des traductions, rejoint les publications de l’Unesco et l’association Reporters sans frontières où j’ai été pendant un an la chargée de l’Amérique latine.

Et surtout j’écris et participe en tant que co-auteur à des livres depuis plusieurs années. 

Si divers que soient les sujets sur lesquels j’ai enquêté puis écrit, ils parlent tous des contradictions humaines, des choix, de la nature, de la transmission et de l’oubli, de révoltes et d’injustices, de passions et de haines, de violence, de souffrance et de résilience.

petit dessin symbolique

Les rues se vident. Des petits hommes gris, portant arme et casque, prennent possession de l’espace. A la télévision, un homme filme en se cachant sous un banc. Il est tué et sa caméra marche encore. Tu vois sa chute. Tu ne comprends pas pourquoi. Les hélicoptères survolent ta ville, les hommes en tenues étranges possèdent l’espace, tu ne peux plus jouer dans la rue ni voir tes amis. C’est le putsch de Pinochet. La plupart de tes amis et voisins sont terrorisés. La plupart essayent de fuir, se mettre à l’abris.  

Tu pars. Partir c’est un traumatisme. On t’explique que partir c’est rester en vie. Mais pour toi, partir c’est quitter une existence et devoir entrer dans un autre. Tu ne sais pas toujours parler ni communiquer ton angoisse, ta perte de repères, d’identité.
Tu voudrais, un jour, pouvoir tout dire. Tu penses que devenir journaliste est une réponse. Raconter ce que tu as ressenti et que les autres ne savent pas. Pour toi, pour les suivants, pour tous ceux qui veulent savoir.

Nous sommes des réfugiés, donc des étrangers. L’étranger c’est celui qui est considéré par les autres comme un être sans histoire, sans culture, sans connaissance même des petites choses du quotidien. Ce cliché est si ancré dans les esprits, qu’un jour, sur le marché, un homme montre un poisson et demande à ma mère si elle sait ce que c’est. Ma mère qui manie l’humour avec dextérité, lui répond :
– Oui, c’est une plante précieuse, nous en avons beaucoup chez nous, on la plante en avril et à la fin de l’été.

Juste avant de prendre l’avion, le maître m’a tendu une malette fermée en me regardant longuement dans les yeux. Tiens, dès que tu arrives en France, tu me la remets.
La malette était fermée à clé. Je l’ai embarquée sans poser de question et lui ai remise le jour même de mon arrivée. Il l’a ouverte devant moi. Il n’y avait rien dedans. Il a souri.
Parfois il faut savoir porter du vide.

J’ai traversé un chemin de terre quand j’ai vu un point lumineux, immobile, à quelques mètres. On dit couramment que, de peur, les cheveux se dressent sur sur la tête… eh bien c’est vrai. J’ai plongé derrière un arbuste et j’ai attendu, pensant qu’il s’agissait d’un soldat fumant une cigarette. J’ai fini par comprendre qu’il s’agissait d’un insecte luminescent.

Un bol en cuivre appelé tasset al-rou’beh, le bol de la crainte. Nous l’utilisions souvent lorsque quelqu’un donnait des signes d’anxiété. Le soir, je le remplissais d’eau, puis le laissais reposer toute la nuit à côté de la fenêtre. Il fallait boire tout le liquide avant le lever du soleil pour que les peurs disparaissent.

Je suis un réfugié, un homme dont l’existence a été confisquée. Un homme invalide. Ma seule consolation, c’est de savoir que l’homme invalide a le pouvoir de méditer sur la beauté de la lune.

Tous les habitants avaient pris la fuite pour dormir en lieu sur. L’astuce consistait à faire croire que le village, avait ses habitant prêts à tout pour le défendre, alors qu’en fait il était quasi vide : tous les matins, les hommes allumaient du feu dans chaque foyer, étendaient le linge, riaient et parlaient fort, faisaient claironner la radio, sortaient faire paître les animaux, allumaient des bougies la nuit… les forces ennemies n’ont jamais pensé à attaquer le village.